L’eau et l’air sont des milieux matériellement opposés, mais ils offrent néanmoins des principes de dynamique similaires, notamment dans le domaine de la résistance au mouvement d’un objet. Le biologiste américain et spécialiste des dynamiques de locomotion, Frank Fish, a donc étudié de plus près l’hydrodynamisme des baleines à bosse et a donc conclu que ces tubercules donnaient à cette baleine un avantage hydrodynamique non négligeable. En effet, Frank Fish et ses collègues ont alors effectué un test sur une réplique de nageoire de baleine dans une soufflerie et ont trouvé que les tubercules de la baleine à bosse engendraient une réduction de 32% de la traînée, et une augmentation de 6% de la poussée ascendante, comparé à une nageoire à bord lisse. Les scientifiques étudient également de près l’angle critique des nageoires des baleines qui ne réagissent pas de la même manière que les ailes d’un avion, qui, lorsqu’elles atteignent leur angle critique, l’air qui passe au-dessus de l’aile se « détache » d’elle et l’aile « décroche ».
En ce qui concerne les nageoires des baleines, leur angle critique est beaucoup plus élevé qu’avec des nageoires lisses comme celles du dauphin, atteignant 31° au lieu des 16° atteints par les nageoires lisses.
Les bosses du bord d'attaque de la nageoire de la baleine semblent rediriger et canaliser les flux d'air. Cela crée des tourbillons au niveau des tubercules, mais les flux d'air redeviennent laminaires au bord de fuite (parallèles entre eux). La portance s'en retrouve accrue de 8 %.
Ces découvertes sont ensuite rapidement exploitées par les ingénieurs, notamment ceux du WhalePower qui reproduisent et modifient ces tubercules en les affinant pour les appliquer tout d’abord aux hélices des éoliennes. Cette nouvelle génération d’éoliennes s’avère nettement plus efficace, notamment en cas de vents faibles ou irréguliers, augmentant ainsi le rendement énergétique de 20% par rapport aux pales sans bosses. Elle résiste également davantage aux intempéries et sont moins bruyantes, ce qui permet de mieux respecter l’environnement. Cependant, ces éoliennes ne sont pas exploitées aujourd’hui, étant encore en cours d’expérimentation au Canada.
La technologie des tubercules pourra aussi être utilisée dans d’autres innovations comme dans les hélices de bateau à moteur, celles des ventilateurs, des hélicoptères ou encore dans les ailes des avions.
Les hommes ont une incroyable capacité à créer, ce dont ils ont besoin pour répondre à une situation spécifique. Par exemple, l’ONERA, le premier centre de recherche aérospatiale et nautique français a pour principale mission d’anticiper les futures technologies, afin de préparer l’avenir. Dans ce cadre, le centre de recherche a consacré plusieurs années dans des recherches visant à réduire la traînée de frottement des avions.
La traînée de frottement est le phénomène d’adhérence d’un fluide à la paroi du corps, dans l’écoulement d’un fluide autour d’un corps quelconque. Les molécules d’air en contact avec la surface d’un profil sont freinées par les forces de frottement. La zone d’interface entre le corps étudié et le fluide qui l’entoure lors d’un mouvement relatif entre les deux, est conséquence de sa viscosité. La viscosité est définie comme la résistance à l’écoulement uniforme et sans turbulence se produisant dans la masse d’une matière. Lorsque la viscosité augmente, la capacité du fluide à s’écouler diminue. La couche limite est un élément de la mécanique des fluides, celle-ci comprends l’étude des gaz et des liquides à l’équilibre et en mouvement, ainsi que l’interaction des corps solides.
Parmi les méthodes étudiées pour réduire ce frottement, la meilleure serait celle des parois rainurées aussi appelée effet Riblet cité dans la rubrique "Et la mer dans tout ça ?", car elle est plus simple à mettre en œuvre. Des tests ont été effectués sur des maquettes d’avions en soufflerie industrielle puis sur l’avion prototype A320. Les scientifiques auraient mis au point un revêtement constitué de micros-structures longitudinales et transversales inspirées de certaines peaux de requins. Ces rainures de section transversale triangulaire ont un fort potentiel, car elles peuvent réduire la traînée de frottement donc améliorer l’aérodynamisme de 6 à 8 ℅ maximum. Cette amélioration va aussi permettre de réduire le carburant consommé lors du voyage effectué.
Cependant, cette modification de parois sur les avions a quelques inconvénients tels que : le vieillissement avec la dégradation dans le temps, la résistance du revêtement aux UV, le temps d’installation et l’excédent de poids. Les « sharklets » aussi appelés « winglets » sont fabriqués à partir de matériaux composites légers et mesurent plus de deux mètres de haut. Les matériaux composites sont constitués de plusieurs matériaux non miscibles (dont les propriétés se complètent) juxtaposés appelés renforts où l’on y ajoute une matrice qui est la plupart du temps une matière plastique. Ces matériaux sont très résistants, très coûteux et leur recyclage est compliqué. Un appareil doté de ces ailerons aux extrémités des ailes permettent de réduire la consommation de carburant et l’émission de CO2 en améliorant de manière significative l’aérodynamisme de l’avion.
Correctement positionné, le « winglet » peut récupérer une partie de l’énergie tourbillonnaire induite par la portance, la force qui permet à un aéronef de s’élever et de se maintenir en altitude. Cela s’exprime grâce à la troisième loi de Newton : « Tout corps A exerçant une force sur un corps B subit une force d’intensité égale, de même direction mais de sens opposé, exercée par le corps B ». A est l’aile et B l’air, alors l’aile subit une force en réaction au mouvement de la masse d’air dû au déplacement de l’aile. L’air est dévié vers le bas, l’aile est tirée vers le haut (l’aile en mouvement exerce une force sur l’air).
Cela a pour effet la réduction de la traînée, sans augmenter l’envergure (la distance entre les deux extrémités des ailes). Si l’on allonge les ailes (augmentation de l’envergure), cela provoque une augmentation de son épaisseur, donc une masse accrue. Ce qui est problématique puisque l’on cherche à limiter le poids des ailes afin de réduire l’utilisation du carburant.
Les «sharklets » ont été spécialement conçues pour la famille A320 et ils permettront de faire une économie de carburant de l’ordre de 3,5 ℅. Les résultats aux tests menés, certifient que ce dispositif pourra être adopté aux modèles d’avions dotés de deux offres moteur. Le premier avion en service a été l’A320 équipé de CFM56 en 2012.
Des applications diverses ont également été réalisées dans les secteurs automobile et naval mais elles n’ont pas suscité un intérêt aussi important que dans l’aéronautique.
Le biomimétisme a permis aux scientifiques d’améliorer le vol d’un avion, de réduire la consommation de carburant, donc l’émission de gaz à effet de serre et de diminuer les coûts de production. Il y a aussi une économie d’énergie grâce aux «sharklets» (inspirés des ailerons de requins). Ils permettent d’améliorer la stabilité de l’avion et de réduire la consommation de carburant jusqu’à 3,5℅, soit une réduction annuelle de dioxyde de carbone d’environ 700 tonnes par avion, en 2012. C’est bon pour l’environnement, l’économie et l’emploi. Cela s’inscrit clairement dans le développement durable.